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Bibliothèque Kandinsky

LES SPOLIATIONS D’ŒUVRES D’ART, 1933-2015

Université d’été de la Bibliothèque Kandinsky, 2e édition 

Les sources au travail : les spoliations d’oeuvres d’art, 1933-2015 

Du 2 au 11 juillet 2015 

 

Présentation 

 

Le crime des spoliations et la politique de restitutions qui lui a répondu ont fait l’objet, depuis une vingtaine d’années, d’importants investissements, historiographiques, institutionnels, juridiques ou même artistiques. De nombreux colloques ou propositions artistiques récentes montrent à l’envie les enjeux brûlants qui se profilent derrière cette question patrimoniale qui n’est technique qu’en apparence. Dans la nouvelle édition de son Université d’été, la Bibliothèque Kandinsky propose de procéder à un réexamen du dossier en revenant au point de départ, c’est-à-dire aux sources. 

Les sources ? On n’insiste jamais assez sur la multiplicité de leur sens et de leurs usages. Elles servent à écrire et comprendre l’histoire de ce qui s’est passé. Dans le cas présent, ce sont elles également qui permettent de débrouiller le parcours tortueux des oeuvres et la légitimité des éventuelles demandes de restitution. Elles peuvent enfin servir de support à des opérations intellectuelles plus complexes, celles d’artistes contemporains dont les oeuvres, se référant à celles que les nazis ont ciblées du fait de leur auteur ou de leur propriétaire, disent quelque chose de la manière dont ce passé est partie prenante de notre présent. Or une source, en elle-même, à elle seule, ne dit rien ou si peu. Ce qui fait sens, c’est la manière dont nous sommes capables de les articuler les unes aux autres, de procéder à des raccords contextuels multiples et de donner à voir la stratification des enjeux de la spoliation. 

· Biographies des fonds d’archives et des sources écrites 
On le voit, l’histoire des spoliations et celle, jumelle, des restitutions, est avant tout une histoire d’archive. Les sources sont ce que le passé nous a légué pour reconstituer son histoire – étant entendu que ce legs est à la fois intentionnel et aléatoire : certaines sources survivent par accident, d’autres ont été volontairement détruites. Par le fait même qu’elles existent, elles transforment le lieu qui les accueille en archives. Les plus grandes archives sont institutionnelles, d’autres sont familiales ou professionnelles. Il y a beaucoup d’archives ignorées, qui restent à découvrir. Nous explorerons dans une deuxième thématique les archives et les sources papier, écrites. On n’omettra pas le parcours parfois improbable qui a fait des archives ce qu’elles sont : pillées, déplacées, rendues, détruites ou passées au tamis, ouvertes ou fermées. Une fois encore, qui plus est, un examen plus interdisciplinaire que celui mené usuellement par les spécialistes en recherche de provenances ouvre un grand nombre de potentialités de lectures et d’usages : chaque liste d’oeuvres volées dit plus que la somme des informations qu’elle rassemble. 

· Vie des images et des représentations 
Mais les sources ne sont pas seulement écrites. Elles sont également visuelles. Images d’archives (photographies, films d’actualité, croquis) voire images de fiction – les images sont surabondantes. Elles sont présentes tout au long du processus, de l’achat de l’oeuvre et de la constitution de la collection, à certaines étapes de la spoliation et surtout aux différentes étapes de la restitution. Hitler ainsi ne connaissait la collection de son futur musée de Linz que par les monumentaux albums photographiques confectionnés à dessein. Les images sont également le prétexte, le support, le déclencheur d’interventions d’artistes contemporains dont les propositions, au fur et à mesure que le temps passe, iront en se confondant avec les sources dont elles s’inspirent. Apprendre à lire les images, et derrière elles, constitue un enjeu majeur pour tous ceux que la problématique des spoliations et des restitutions intéresse – l’un des paradoxes étant que les mêmes images ont pu servir à la fois à favoriser la spoliation et à rendre possible la restitution. 

· Les récits et leur construction 
Des sources pour quoi faire ? Ou plus exactement : quel avenir pour les sources de toute nature interrogées dans les trois thématiques précédentes ? L’avenir des sources est la mise en récit. Chaque source a pour potentiel de rejoindre, par un biais ou un autre, un grand récit virtuel qui, sans doute, ne sera jamais écrit. On le sait, la mise en récit commence dès la production de la source : le photographe ou l’opérateur de cinéma adopte un point de vue et construit un cadrage ; une liste, un rapport, une lettre s’écrivent suivant une logique linéaire qui fait narration, les lieux à leur manière nous parlent. Mais la mise en récit se poursuit dans l’après-coup. Les exégèses des spoliations (études historiques ou de cas, souvenirs, oeuvres littéraires ou artistiques) construisent bel et bien des récits, qui plus est publics, qui, interprétant les sources, finissent par s’y substituer dans l’espace public. Suivant quelles modalités ? 

 La spoliation était un phénomène éminemment politique dont la réparation est passée par une mise en récit politique ayant abouti à la mise en oeuvre de dispositifs spécifiques : archive, enquête, indemnisation, restitution. 

· Lieux de l’histoire – la scène parisienne 
La dernière thématique est de nature plus transversale : elle s’intéressera, tout au long de l’Université d’été, aux lieux de l’histoire de la spoliation et de la restitution. Nous dresserons une géographie parisienne de ces deux politiques, étant entendu que les revisiter aboutira à deux expériences distinctes : celle d’une présence permanente quand les lieux ont été conservés à l’identique ; celle d’une présence par le vide quand ils ont été détruits à la faveur de l’évolution inexorable de la ville. Cette cartographie interroge aussi le déplacement des sources de leurs lieux de productions vers des dépôts d’archives (listes de l’ERR et dossiers de réclamation aujourd’hui à La Courneuve, oeuvres passées par le Jeu de Paume aujourd’hui dans les réserves des musées, dossiers d’« aryanisation » du CGQJ aujourd’hui à Pierrefitte). Il s’agit en somme de se réapproprier la ville en lui imposant un questionnaire déterminé par lequel cette histoire particulière est susceptible –malgré tout – de rejoindre le moment présent. 

· Documenter un parcours 
L’Université d’été est ainsi conçue comme un parcours, un itinéraire qui sera documenté quotidiennement par la production d’affiches conçues sur le modèle de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg. Le public du musée pourra suivre ainsi au jour le jour l’avancée de la réflexion et ses moments les plus importants. Les différents feuillets de cet Atlas seront rassemblés à la fin de l’Université dans un livre pliable à petit tirage. 

Tout au long du déroulement de l’Université d’été, des visites seront programmées dans des endroits structurants pour la recherche autour du phénomène des spoliations : les Archives diplomatiques du Ministère des Affaires Etrangères, les Archives Nationales, les Archives Photographiques du Fort de Saint-Cyr, et sur quelques « lieux » symptomatiques : le Musée de Jeu de Paume, Austerlitz, Palais de Tokyo. 

 

Comité de pilotage 

Didier Schulmann, conservateur, Bibliothèque Kandinsky, Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris 
Mica Gherghescu, historienne de l’art, Bibliothèque Kandinsky, Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris 
Florent Brayard, historien, directeur du Centre de Recherches Historiques, responsable de l’équipe «Histoire et historiographie de la Shoah », EHESS-CNRS, Paris 
Arno Gisinger, artiste, maître de conférences Université Paris 8 
Johanna Linsler, historienne, IHTP-CNRS 

 

Lien vers la notice du Journal de l’Université d’été de la BK P 2800